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Il faut d’abord saluer les efforts faits pour que ces élections puissent se tenir sur tout le territoire du pays. Il y a eu des incidents malheureux certes, dont l’assassinat d’un directeur de bureau de vote au second tour, et la fermeture de bureaux de votes.

Le Président sortant a été mal élu. Première fois depuis les premières élections démocratiques de 1992, qu’un Président sortant ne soit pas élu dès le premier tour. Malgré qu’il ait gagné une majorité confortable avec 67,16% des votes valides, il demeure que 2 354 693 personnes avaient voté pour lui en 2013, alors qu’elles n’étaient que 1 791 926 en 2018, ce qui constitue une importante baisse de 24%. Autre facteur conduisant à l’affirmation qu’IBK a été mal élu : le rôle important de la fraude, surtout dans les bureaux de votes dans les zones moins sécuritaires et l’achat des votes qui semble avoir connu une ampleur sans précédent.

Le perdant, Soumaila Cisse rejette les résultats et annonce qu’il est gagnant, après avoir éliminé le vote des bureaux dont les résultats sont douteux et effectué de savants calculs. La fraude explique-t-elle seule le mauvais score de Soumaila Cissé, bien que supérieur à 2013? D’autres facteurs semblent avoir joué en sa défaveur. La grande majorité des perdants du premier tour n’ont pas donné de consigne de vote, ne faisant pas confiance en Soumaila Cisse. Sa base politique au sein de l’URD n’était pas en accord avec toutes ses décisions (choix du directeur de campagne électorale, association avec Ras Bath) et ne l’a pas suffisamment soutenu. Lui-même ne s’est pas aidé avec des déclarations du genre : c’est mon tour, ce qui n’est guère rassurant. La présidence est un devoir, pas un droit. Aussi, il a brièvement donné l’impression qu’il boycotterait le second tour, vu les fraudes du premier tour. Au final, il est clair que la fraude a été très importante, mais il est impossible de démontrer hors de tout doute que cela a fait basculer le résultat vers le Président sortant.

Maintenant que la Cour Constitutionnelle a rejeté toutes les requêtes de l’URD – parti de Soumaila Cisse – ce dernier et ses appuis se sont lancés dans un exercice de rejet des résultats et lancent des marches pacifiques pour faire respecter la volonté des maliens et maliennes et faire rejeter l’élection du Président IBK. Une première marche, sans heurts, a eu lieu le samedi 25 août, une seconde est prévue pour le 2 septembre et sans doute le 4 également, journée prévue pour l’assermentation du Président IBK.  Il est difficile de prévoir l’issue de ces manifestations pacifiques. Il serait sans doute surprenant qu’elles conduisent à l’éviction du Président ou à une reprise des élections, mais les risques de dérapage sont importants, alors que le Mali a besoin d’un gouvernement fort et capable qui se mette au travail le plus rapidement possible.

Que fait la communauté internationale? Malgré les centaines de millions de dollars qu’elle met au Mali, elle se contente d’observer et au final, accepte les résultats, préférant la stabilité, quitte à s’accommoder de la médiocrité, telle que nous l’avons vue ces cinq dernières années et au delà. Pire, certains et non les moindres, ont félicité le Président IBK avant la publication des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle. Heureusement, le Canada l’a fait après.

Que faire maintenant, à défaut de recommencer l’élection présidentielle? Il est à souhaiter qu’IBK prendra la pleine mesure de sa mauvaise élection et qu’il se mettra au travail pour assainir la gouvernance. Il devrait mettre en place un véritable gouvernement de mission, de transition, qui se dotera d’une feuille de route claire. Parmi les urgences, il n’est pas un secret de polichinelle que l’Accord de paix d’Alger doit faire l’objet d’une profonde révision au Mali, avec une large consultation nationale.  Il y a un urgent besoin que l’administration publique se dépolitise et améliore grandement sa performance. Le renforcement du Commissariat au Développement Institutionnel, ou la création d’une agence de la fonction publique à l’instar du Bureau du Vérificateur Général, donc indépendante fourniraient au gouvernement les leviers nécessaires pour y arriver. La réforme en profondeur du code électoral pour 2023, la réduction significative de la corruption et le renforcement d’une justice efficace et indépendante devraient également figurer en bonne place dans cette feuille de route. Celle-ci devrait être rendue publique et tout comme un rapportage régulier des progrès réalisés et des difficultés rencontrées.

Que pourraient faire les partis politiques? Se tourner vers les législatives du 28 octobre et 18 novembre prochains, se concerter, se mobiliser pour contrer la fraude pour se faire élire en nombre suffisant pour créer un véritable contre-pouvoir et demander des comptes au gouvernement.

Les femmes devraient être présentes, au minimum à hauteur de 30% tant au sein des listes électorales pour les législatives qu’au niveau du gouvernement. Il est clairement démontré qu’une représentativité accrue des femmes augmente la performance.

Que pourrait faire la communauté internationale? Faire pression pour soit une reprise des élections présidentielles (cela semble trop tard, vu qu’elles ont déjà été largement acceptées par cette communauté internationale et africaine), soit un compromis politique et s’assurer que le gouvernement organise mieux les élections législatives et mette en place un véritable programme de transition tel qu’évoqué ci-haut. Appuyer la société civile pour qu’elle soit plus alerte et demande des comptes, financer des projets de renforcement de la transparence gouvernementale, du partage de l’information et à plus long terme, appuyer le renforcement de la qualité de l’éducation. Il est plus que temps de réellement mettre le Mali d’abord et de donner un sens à la démocratie.

 

Louise Ouimet
29 août 2018

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